Fact-Checking : non, le tabac ne protège pas du Covid-19

Au cœur de la pandémie du Covid-19, alors même que le confinement battait son plein, des informations ubuesques ont commencé à circuler dans les médias les plus sérieux. On se serait cru dans les années 1970, lorsque les publicités pour les cigarettes, autorisées à l’époque, formulaient des affirmations scandaleuses. Une publicité massivement diffusée à la radio aux Etats-Unis dans les années 1980 alléguait que la cigarette pouvait guérir… l’asthme ! Revenons en 2020 : selon certains « spécialistes », le tabac protégerait de contracter une forme grave du Covid-19. On vous explique.

La rumeur qui a enflammé le débat public

Avant d’aller plus loin, voici l’hypothèse qui fait le plus l’unanimité dans la communauté scientifique : la cigarette vous expose à un plus grand risque de souffrir d’une forme grave de Covid-19. Intéressons-nous à présent aux allégations contraires. La rumeur qui stipule que la cigarette protégerait du Covid-19 vient en réalité d’une publication scientifique authentique, mais elle la paraphrase avec beaucoup de liberté. Selon une étude sérieuse menée par le neuroscientifique français Jean-Pierre Changeux et qui a été publiée sur la revue « Comptes rendus en biologie », la nicotine pourrait entrer en concurrence avec le virus pour occuper les récepteurs qu’il convoite. Nous avons ici deux mots-clés intéressants qui ont été mis de côté par la rumeur :

  • « Pourrait». L’emploi du conditionnel dans la communauté médicale n’a jamais donné lieu à des conclusions qui se répercutent sur la pratique ;
  • « Nicotine ». C’est la nicotine qui pourrait entrer en concurrence avec le virus, et pas la centaine de substances toxiques que l’on retrouve dans le tabac comme le goudron, le plomb, etc.
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Si l’hypothèse du docteur Jean-Pierre Changeux s’avère vérifiée, ce n’est pas la cigarette qui sera proposée aux patients qui souhaitent se prémunir, mais des patchs nicotiniques voire des cigarettes électroniques, qui sont tous les deux des moyens infiniment moins nocifs que la cigarette classique pour des apports en nicotine.

La nicotine n’est pas la substance la plus nocive dans la cigarette

« Ils ne disent pas que fumer prévient le Covid-19. Ils disent que la nicotine l’empêche », expliquait le docteur William Haseltine, président du groupe de réflexion sur la santé mondiale Access Health International dans son commentaire sur le travail du neuroscientifique français. Et de poursuivre : « le danger, c’est que beaucoup de gens confondent la nicotine avec le tabac ». En effet, et contrairement à la croyance populaire, la nicotine est loin d’être la substance la plus nocive de la cigarette. C’est toutefois celle cause l’addiction.

« Il existe de nombreuses études dans le monde entier, de nombreuses populations différentes ont montré que les fumeurs ont un risque de mourir d’une infection beaucoup plus élevé que les non-fumeurs ».

En somme, les travaux du docteur Jean-Pierre Changeux émettent l’hypothèse que la nicotine pourrait représenter un moyen supplémentaire de prévention, en attendant mieux. Elle ne le prouve pas, comme l’explique le docteur Changeux lui-même à la fin de son rapport. Mais plus important encore : elle ne fait pas de la cigarette un moyen de prévention du Covid-19.

Si l’étude a été médiatisée avec cette ampleur, c’est qu’elle a vraisemblablement bénéficié de l’appui des industriels de la cigarette, mis à mal par une conjoncture compliquée : hausse du prix du paquet de cigarettes dans plusieurs pays de l’OCDE, confinement, essor de certains modèles de cigarettes électroniques comme le Drag X de Voopoo et l’Istick TC40W, etc. L’étude du professeur Changeux a d’ailleurs été publiée sur Vice, un média lu chaque mois par des 3 millions de personnes à travers le monde (vidéos YouTube, publications en PDF) avec le titre : « Pourquoi les fumeurs sont-ils moins souvent hospitalisés pour cause de coronavirus ? ». Si l’article en question fait bien la part des choses, de nombreux lecteurs se sont contentés de lire le titre, ce qui a donné un écho inespéré à cette rumeur ou plutôt, à cette étude mal interprétée.

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Selon le docteur Russell Medford, président du Center for Global Health Innovation d’Atlanta, « L’hypothèse de l’acide nicotinique qui est à la base de toutes ces études n’est pas déraisonnable d’un point de vue moléculaire ». Il nuance « …mais les données qui se rapportent au tabagisme et à la progression de la pandémie dans l’étude la plus récente à laquelle je fais référence montrent un risque significatif de progression de la maladie chez les patients qui fument ou qui ont récemment fumé ».

Ce que l’on sait moins, c’est que deux études au moins aussi sérieuses ont abouti à des conclusions contraires. Elles ont été publiées sur le numéro du 13 mai 2020 de la revue référencée « Nicotine & Tobacco Research ». Elles ont conclu que « le tabagisme augmente le risque et la gravité des infections pulmonaires en raison des dommages causés aux voies aériennes supérieures et d’une diminution de la fonction immunitaire pulmonaire ».

Marie
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